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PRP.-COMPRf.HENSlON ETSAVOIR HISTORIQUIå ignorer le travail creatif, poiétique, de la réception (la duplex interpretatio) et ä appliquer, dans le demarche historique, les catégories dogmatiques actuelles. Neanmoins, le prix payé par cette clairvoyance a été une «historicisation» de ces courants romanistiques, suivie de la perte de leur poids au sein des institutions ou I’histoire juridique était pratiquée (les Facultés de Droit) au profit des courants qui pronaient une étude «juridique» (actualisante) du Droit romain et la réactivation des intentions dogmatiques de la romanistique légitimatrice de la «pandectistique» allemande {zuriick zu Savigny, zu dem heutigen System des römischen Rechts). Le culte de la «familiarité» avec le Droit historique, ainsi que la fonction dogmatique qu’il joue au sein du savoir juridique, explique les tensions qui ont accompagné la parution, en 1977, d’un numéro de la revue d’un des phares de I’historiographie juridique allemande, le Max-Planck-Institut fur europdische Rechtsgeschichte, de Francfort/Main, coordonné par un chercheur de I’Institut et sur le theme: Vorstudien zur RechtshistorikJ Le titre n’était pas innocent, du fait du contraste provoquant entre la désignation classique Rechtsgeschichte et le gallicisme Rechtshistorik, dont I’intention iconoclaste était ouvertement expliquée dans Tétude de J.-M. Scholz (»Historische Rechtshistorie. Reflexionen anhand französischen Historik», pp. 1—175). Il s’agissait justement d’importer dans le champ de I’histoire du Droit les suggestions méthodologiques de rÉcole des Annales, notamment celle «d’historiser I’histoire», en y introduisant dans toute son imposante majesté, la dimension temporelle, d’un temps marqué par la rupture. Déjä cette invitation å un commerce plus intense avec I’histoire sociale provoquait du malaise au sein d’une historiographie vivant sur ridée de séparation {Trennungsdenken, O. Brunner). De plus, la coupure avec les continuités de la tradition juridique dissolvait cette familiarité, suspendait la «trivialisation»^ des formulations dogmatiques du passé et risquait d’introduire un historicisme qui, tot ou plus tard, affecterait aussi le présent. Car Tétrangeté du passé n’est que le signe, en creux, de I’enracinement historique du présent. Ce nouveau programme d’analyse du passé serait facilement realisable si la description du passé juridique en lui-meme ne posait des problemes méthodologiques majeurs. En effet, cet enfermement du passé dans les catégories du présent n’est pas un fait intentionnel, qui puisse étre évité par une sorte de réduction volontaire des préjugés actualistes. Le projet d’un effacement de I’historien devant les visions historiques des choses devient problématique justement du fait que ses cadres d’appréhension sont immanents ä son regard; un regard que merne la réflexion méthodologique des Sciences Sociales ne peut rendre moins biaisé. J.-M. Scholz en était suffisamment conscient pour tomber 53 ^ Frankfurt/Main, V. Klostermann, 1977. ** C’e.st-a-dire la devaluation de la spécificité des formulations dogmatiques ou conceptuelles historiques, en face de la continuité du Sens sousjacent. Par contre, une attitude historiciste tient 1’écan des formulations historiques comme le correspondant ä un écart de signification.

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