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Antönio Manuel Hespanha dans le piége, soit de croire au caractére intentionnel des obstacles épistémologiques des historiens, soit de tenir ä la nature neutre et intemporelle des constructions conceptuelles des Sciences Sociales. Il essayait de sortir de 1’impasse en faisant appel å un concept alors développé par H.-U. Wehler, celui de cadres de conceptualisation issus de 1’objet lui méme {Gegenstandsbezogene Kategorieti). Ces cadres, partant des grilles fournies par les auto-représentations historiques, prenaient ensuite leur distance du fait méme qu’ils étaient con^us non comme la représentation de la réalité, mais comme une de ses représentations historiques. J.-M. Scholz proposait un programme général. D’autres s’y attaquaient déjä dans d’autres contextes, sous d’autres pré-compréhensions et avec d’autres intéréts. D’abord, les critiques de TÉtat libéral: O. Gierke, C. Schmitt, O. Brunner. Leurs positions étant bien connues, il convient ici de souligner 1’importance du dernier sur 1’historiographie politique et juridique italienne la plus innovatrice. C’est, en effet, la legon de Brunner — parfois paradoxalement combinée avec des intéréts théoriques d’origine marxiste — qui a permis ä quelques historiens italiens du Droit et du pouvoir (notamment Pierangelo Schiera, Ettore Rotelli, Aurelio Musi, Cesare Mozzarelli) de rompre avec 1’imaginaire juridique et politique du libéralisme, quant il s’agissait d’étudier le monde politique et juridique de 1’Ancien Régime. O. Brunner, en effet, venu d’horizons idéologiques anti-libéraux avait laissé libre cours å 1’imaginaire politique de 1’Ancien Régime, en refusant toute contamination avec des axiomes de la compréhension contemporaine du Droit et du pouvoir, tels que 1’opposition public / privé, la distinction propriété / autorité, le principe de 1’égalité, et en récupérant la dimension politique fondamentale d’institutions «de droit privé» comme la famille (Brunner, 1968 a). Le méme effet de distanciation apparait, dans le domaine du Droit Privé, chez 1’historien florentin Paolo Grossi. Ge dernier propose une historiographie juridique qui tout en gardant ses distances avec 1’histoire dogmatique traditionnelle prend les textes au sérieux: il refuse de voir dans les textes historiques de Droit et dans leurs figures discursives les antécédents d’une histoire å venir par surestimation des continuités formelles apparentes (mots ou éléments normatifs isolés du contexte) et trivialisant 1’étrangeté des textes. Ses études sur le Droit des biens (surtout «Un altro modo di possidere». L'emersione di forme alternative di proprietd alla coscienza giuridica postunitaria, 1977, puis dans il dominio e le cose. Percezione medievali e möderne dei diritti reali, 1992) inaugurent, dans ce domaine, une nouvelle fagon de traiter la dogmatique juridique historique. Partant de l’étude de la doctrine médiévale sur les rapports entre les hommes et les choses et en la rapportant ä ses racines théologiques, P. Grossi dévoile un autre maniére de penser ces rapports, ou des liens pluriels et enchevétrés entre les personnes et les biens apparaissent, avant la réduction brutale de tous ces liens au modéle libéral de la propriété. La démarche suspend 54

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