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Antonio Manuei Hfspanha dogmes (des concepts, des classifications, des principes) juridiques est la voie royale pour la naturalisation du Droit, pour I’acceptation d’un Droit naturel, pour la croyance ä la primauté d’un esprit humain trans-temporel, qui permet le dialogue dogmatique entre les juristes du présent et ceux du passé. Dans ce contexte, I’histoire du Droit aurait done joué un role essentiellement dogmatique: celui de rendre possible cette communication spirituelle, source de justification et d’enrichissement du Droit positif. A son tour, I’image d’un savoir qui, sans perdre contact avec les acquis du passé, lui ajoute des perfectionnements - i.e., d’un savoir qui progresse linéairement par accumulation - institue la vision progressiste de lutte historique pour le droit {Kampf urns Recht), en transformant, de ce fait, le Droit du présent en Oméga d’une civilisation juridique, dont I’histoire juridique célébre les progres. Les dogmes juridiques du passé, périmés et risibles, ne peuvent pas étre, dans ce cas, la contre-preuve, sur le temps de I’histoire, de la justesse éternelle de ceux du présent. Ils constituent au contraire les témoignages du dégagement lent et pénible de la RaisonJuridique des contraintes de I’ignorance, de la force, des préjugés, enfin, des maladies infantiles de l’humanité. L’équivoque de la continuité et de la familiarité avait dominé presque toute la tradition juridique occidentale, depuis le Moyen Age. En effet, la clé du succés de la tradition romanistique, depuis les glossateurs jusqu’a la pandectistique allemande, avait toujours été le déguisement de la rupture, de la greffe de sens nouveaux dans les textes transmis par I’histoire, de la duplex interpretatio. On accréditait, en effet, la fiction selon laquelle le sens des concepts ou des normes hérités était ceux de leur auteur ou de leur contexte original. Ni les textes en eux-memes, ni leurs conditions de (re)production et d’appropriation n’avaient d’épaisseur capable de provoquer des réfraetions sur leur sens. En d’autres termes, les textes étaient insensibles aux environnements textuels ou sociaux de chaque époque. Les partieularités de formulation, les spécificités des dires, I’organisation autre des concepts, n’étaient que «régionalismes», «formes dialectales», d’un langage universel et transtemporel, dont le poids différentiateur était tenu pour secondaire. Au-dela des textes et de leurs contextes, régnait, souveraine, la seule entité responsable du sens, la Raison Juridique. La permanence de la Raison permettait de saisir, sans déformation ni rupture, dans 1’indifférence au cours de I’histoire, la signification décisive des textes. Cette croyance å 1’intemporalité du sens et å la possibilité d’une herméneutique sans limite aboutissait ä un aplatissement (ou ä une négation) de la profondeur historique. Il en découlait une familiarité avec le passé, liée ä une trivialisation de Tétrangeté des textes juridiques légués par I’histoire. On ne saurait dire que la question des ruptures, notamment des ruptures dogmatiques, fut inconnue des historiens du Droit. Au cours des années 1920 et 1930, quelques romanistes, en réaction contre I’appropriation actualisante du Droit romain opérée par la pandectistique, avaient dénoncé I’erreur consistant 52

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