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AntOnio Manufi Hfspanha opiniones communes. Les voila, done, les représentations les plus communes et les plus durables de I’imaginaire sur Thomme et la société. Mais le caractere consensuel de ce socle de représentations n’excluait évidemment pas I’existence de visions conflictuelles, sur lesquelles il fallait décider, en vue de la formation d’une regie de comportement interne ou externe. Or le savoir éthico-théologique et juridique avait développé des méthodes de recherche de la solution juste (ajustée) qui, d’un cöté, laissait apparaitre la pluralité des visions conflictuelles et, d’un autre cöté, formulait la décision en fonction des consensus possibles et enregistrait la solution la plus consensuelle comme probable (mais pas obligatoire) (opinio communis) pour résoudre des conflits futurs. Ces procédés méthodiques étaient le schéma expositif de la quaestio, et la combinaison de topiques {ars topica) et d’opinions communes. Avec les quaestiones, I’historien acquiert un réservoir des propositions discutées {quaestiones disputatae), rendant compte des conflits issus de différentes appropriations des textes. Avec la topique, on a acces au catalogue des bases consensuelles de toute discussion, i.e., des topoi socialement acceptables. Et la topique garantissait que la solution, enregistrée pour la postérité comme opinion commune fut la solution la plus consensuelle. Quaestio et topos sont ainsi deux puissants mécanismes d’enracinement des textes théologico-juridiques dans les consensus sociaux qui transforment ces textes en témoignages particulierement fiables sur les données culturelles fondées sur les pratiques. La place centrale de I’imaginaire juridique dans les représentations de la société et du pouvoir en sont une preuve convaincante.'** La littérature juridique — construite sur des topiques consensuels, organisée selon une structure dialogique qui mime les (et rends compte des) conflits de représentations, en proposant des formules de compromis, ouverte ä 1’intégration de la dynamique culturelle et sociale par le biais de concepts flous (comme bonus paterfamilias, aequitas, bona fides) et, finalement, moulant ses resultats dans des formules synthétiques, lapidaires, susceptibles d’une diffusion modulaire {self contained) et de lectures généralisées — constituait, peut-etre, le dispositif textuel le plus efficace pour la socialisation de modeles et de représentations de la vie. Apres qu’on I’a suffisamment fréquentée, la société möderne devient (pour reprendre les mots d’ltalo Calvino, apres la lecture des oeuvres de Leonardo Sciascia sur la Sicille) «la société la moins mystérieuse du monde; désormais [. . .] tout devient clair comme I’eau de roche; les passions les plus torturantes, les intéréts les plus sombres, psychologies, racontars, clairvoyances, résignation, n’ont plus de secrets, tout est désormais classifié et catalogué».’’’ La proposition d’une anthropologie ä partir des textes du Droit pose quelques problemes théoriques. Les anthropologues et les analystes des processus Sur la centralité des images juridiques dans la representation médiévale et moderne de la société, A. Gurevic, 1983; Hespanha, 1990a. L'arc,77 {\979)9. 58

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