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PrÉ-COMPRÉHENSIONHTSAVOIR HI8TOR1QUE I’univers de rinterprétation. En effet, au fond des comportements ou des pratiques se trouvent des options humaines, des dispositions spirituelles, qu’il s’agisse d’états cognitifs ou d’émotions. Néanmoins, pour ceux qui ne sont pas préts ä n’y voir que le produit d’une nature innée et commune, ces dispositions sont hors de portée d’une connaissance extérieure, historique ou non. Le mieux qu’on puisse faire est done de tenir compte de leurs manifestations extérieures, qu’il s’agisse des comportements ou des discours (notamment des discours representant ces états d’esprit), les déerire en détail et, finalement, essayer de reconstituer, dans son altérité et dans sa «positivité», la logique du systéme significatif qui leur donne du sens.'"* Les textes juridiques se prétent, comme tous les autres, ä cette démarche archéologique. Mais certains pensent que les textes juridiques pré-contemporains, ainsi que les textes théologiques avec lesquels ils faisaient corps, représentent une voie privilégiée d’acces aux niveaux fondateurs et porteurs de sens de la culture médiévale et möderne. Aaron Gurevich I’a suggéré. Dans le domaine de 1’histoire du Droit, cela a été le cas de Bartolomé Clavero qui formule le projet d’une anthropologie de 1’époque möderne fondée sur les textes du Droitou, plus réeemment,'^ sur les textes religieux et moraux. Pourquoi ces textes parmi toutes les pratiques symboliques (notamment, d’autres textes) offrent-ils la possibilité de proposer une lecture anthropologique? D’abord, théologie morale et Droit constituent, jusqu’au XVIIIe, avant le naissance de l’économie, presque'^ les seuls savoirs portant sur 1’homme et la société. Savoirs bavards, qui plus est. Il suffit de jeter un coup d’oeil sur une bibliographie des livrés imprimés au cours de 1’époque möderne pour se rendre compte de 1’écrasante domination de ces savoirs dans 1’ensemble du théåtre des connaissances. Deuxiémement, il s’agissait de savoirs normatifs, visant 1’éducation de 1’esprit et la discipline de Paction. Cette éducation et cette discipline, faute de pouvoir faire autrement, devaient étre suivies par le recours au consensus. L’effet cherché est done que leurs propositions apparaissent comme les plus consensuelles possible. Cette vocation au consensus est d’abord liée aux conditions de production de la tradition littéraire ä laquelle ces textes appartiennent. Il s’agissait, en effet, d’une tradition qui, pendant des siécles, avait travaillé sur des bases textuelles immuables et qui avait formulé, comme par sédimentation, les opinions les plus probables, i.e., les plus acceptables par 1’auditoire. Cette sédimentation avait cristallisé 1’acquis consensuel sous formes de topiques, brocarda, dicta, regies. Voir lanon de reconstitution des sentiments, mais de lecture des formes symboliques — mots, images, institutions, comportements — ä Taide desquelles personnes se voient les unes les autres, Geertz, 1986, 75. Cf. Clavero, 1985. Cf. Clavero, 1991, »Prefacio». La limitation veut tenir compte de la politique, dont la naissance, conflictuelle avec le Droit, a lieu avec Machiavelli. De plus, il ne reste que 1’histoire. 57

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