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Antc)nio Manufi HfSI’ANHA construction ont été mis en lumiere par P. Costa dans un tres beau livre sur la dogmatique juridico-politique italienne du XIXe siecle. Moi-meme, dans un article récent, j’ai suggéré que, quel qu’ait été I’imaginaire de 1’unité institué par Pétatisme, les révolutions du siecle dernier ont institué des poles politiques nouveaux (comme la bureaucratie).“^ Mais ce sont surtout les sociologues de la justice qui ont dévoilé la multiplicité des mécanismes de normation et de résolution des conflits å I’oeuvre dans les sociétés contemporaines.’^ Cette lecture pluraliste de I’ordre et de ses technologies dans la société d’Ancien Régime a provoqué une révolution copernicienne en ce qui concerne I’objet de I’histoire du Droit. En effet, les idées mémes de pluralité normative et du caractere non étatique de I’ordre social force å considérer le Droit comme un des mécanismes par lesquels I’ordre social est instauré. Un mécanisme plutot minimal de discipline, enveloppé par d’autres ordres efficaces et quotidiens. Tel était le cas du Droit officiel et lettré, vivant au sein d’un systeme de communication tres restreint, bien que disposant d’un important pouvoir de ravonnement fondé sur la croyance en sa rationalité {ratio scripta, qua non ratione imperii sed imperio rationis viget). Ce rayonnement symbolique ne peut pas faire méconnaitre 1’efficacité quotidienne de ce qu’on appelait, dans la littérature du Droit commun, le Droit des rustiques {iura rusticorum)}'^ c’est-a-dire, ces pratiques auxquelles le Droit commun n’octroyait pas la dignité de coutumes, mais qui constituaient la norme de comportement et 1’étalon de résolution des conflits dans les communautés paysannes.^° Mais la normation et la discipline sociale ont été garanties surtout par le dressage des sentiments. On ne peut que penser ä M. Foucault quand on évoque ce theme des «technologies de soi». Mais, si I’on note aujourd’hui, chez les historiens du Droit, un intérét pour 1’étude de la discipline des sentiments, le role de M. Foucault n’est que celui d’une confirmation théorique nouvelle de topiques qu’on pouvait trouver partout, dans les mémes sources. En effet, les sources doctrinales du Droit commun ne cessaient de souligner la dépendance du Droit par rapport å la justice, ä l’honnéteté, ä la charité, ä la bonté, ä I’amour. L’histoire juridique traditionnelle, héritiére du positivisme laicisant du l9e siécle, prenait ces références comme des tours rhétoriques ou des déclarations hypocrites, obligatoires ä une époque dominée par un certain moralisme, mais dépourvues de conséquences pratiques, étant donnée la sépaHespanha, 1990; sur la pluralité des pouvoirs et des technologies politiques a nos jours. Hespanha, 1992. Information bibliographique dans Hespanha, 1993a (»Ascensao e queda do paradigma legalista»). V. aussi Mauro Cappelletti, 1984, e Spittler, 1980. Cf. Andreas Tiraquellus, Tractatus de privilegiis rusticorum, Coloniae Agrippinae, 1382; Renatus Chopinus, De privilegiis rusticorum, Parisiis, 1575; Des privileges des personries vivarit aux champs. Paris 1634 (cf. Hespanha, 1983). V. Hespanha, 1983. 62

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