PRf:-C0MPRÉHI-.NS10N FTSAVOIR HISTORIQUK la continuitc apparente des concepts familiers (comme celui de dominium), ainsi que la hiérarchie actuelle des figures du discours juridique ,sur les biens (propriété parfaite, propriétés imparfaites, possession, iura ad res), elle souligne, d’un seul coup, la nature culturelle des systémes dogmatiques aussi bien médiévo-niodernes que contemporains. Dans cette démarche, P. Grossi ne reste prisonnier ni des cadres dogmatiques actuels (qu’il réfute comme grille de reconstruction historique) ni de ceux de Pépoque, qu’il observe, froidement, dans leur historicité (sans vouloir les prendre comme base d’une quelconque proposition revivaliste de politique du droit). En somme, il met en pratique cette lecture des textes «par-dessus les épaules de ceux pour lesquels ils ont été pensés», dont parlent les anthropologues (cf. Medick, 1984). Il lit ce qu’ils lisaient; avec un regard paralléle; mais sa lecture n’est pas la leur. Pour donner un autre exemple de ce genre de «lecture participante», issu de ce groupe brillant des disciples de Paolo Grossi, on pourrait citer les travaux de Pietro Costa. Get auteur, ä la fin des années soixante, public un livre inoui qui, a I’inverse des essais courants sur I’histoire des idées politiques, cherchait a ccrner les catégories du politique dans les traités juridiques sur la juridiction (Cf. Costa, 1969). L’entreprise historiographique de P. Costa était doublement innovatrice. D’abord, elle reconstituait, dans son altérité, le systeme médiéval du savoir concernant le pouvoir, en montrant, de ce fait, que le lieu du discours politique, au sein d’une société fondée sur la justice, était I’endroit ou I’on discutait de la capacité de dire le Droit, la juridiction. Ensuite, il révéle I’efficacité productrice, textuelle et contextuelle, des systémes de vocabulaires (des champs sémantiques) contenus dans les textes juridiques, tels que le champ du vocabulaire juridique médiéval sur le pouvoir —c’est-a-dire, ces fugues interminables de définitions et de classifications autour de mots comme iurisdictio ou imperium, au sein desquelles toute la réalité politique était enfermée, soumise ä des opérations intellectuelles obéissant ä une logique strictement textuelle et de nouveau proposée «au monde» comme un modele, une matrice, un cadre de variations, pour les enjeux sociaux et politiques. Le caractere non tnvialisant de cette lecture «distancée» des sources doit étre souligné. En effet, les textes dont on parle sont si rebattus, soit par la tradition juridique, soit par la tradition historico-juridique, que leur étrangeté s’est convertie en banalité; I’inoui est devenu familier, I’arbitraire est devenu logique, le tu est devenu inexistant. Il faut, done, gratter leur surface lisse et a-problématique pour remettre en lumiere des niveaux de sens «indigéne» ensevelis par les couches successives de sens commun. Récupérer 1’étrangeté de ce qui est dit, se laisser surprendre, éviter la paresse des lectures rassurante, tout cela n’est pas une mince affaire. La bonne recette consiste ä lire et relire, en se posant naivement des pourquoi pour chaque proposition, pour chaque mot, jusqu’a ce que 1’impensé du texte devienne choquant et explicite. Hespanha, 1984; Jesus Vallejo, 1992. 55
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